Au Rajasthan, en Inde, les orans désignent des bosquets sacrés que les communautés protègent autour des temples ou des sanctuaires dédiés aux déités locales (Lokdevta), aux saints et aux héros locaux
First published on 02/14/2025
Rédigé par Aman Singh et J.P. Singh de Krishi Avam Paristhitiki Vikas Sansthan (KRAPAVIS)
Au Rajasthan, en Inde, les orans désignent des bosquets sacrés que les communautés protègent autour des temples ou des sanctuaires dédiés aux déités locales (Lokdevta), aux saints et aux héros locaux.Le terme oran vient du mot sanskrit « aranya », qui signifie « parcelle de forêt ». Sur le plan écologique, les orans sont des habitats uniques qui abritent toute une diversité d’espèces végétales et animales autochtones. Ils fonctionnent comme des systèmes sylvopastoraux naturels et des pâturages pour la faune sauvage et le bétail des communautés pastorales. En tant qu’aires du patrimoine communautaire, les orans jouent un rôle crucial dans la préservation de la biodiversité, la promotion de la gestion durable de l’eau et le soutien à la régénération écologique impulsée par les communautés.
Chaque oran a une valeur et une signification historique, culturelle et archéologique. Leur importance spirituelle et culturelle est considérable, en ce qu’ils contribuent au bien-être mental et physique des communautés locales. Ils servent en outre de rempart essentiel face aux conditions climatiques extrêmes, en aidant à atténuer les effets du changement climatique dans la région.
La superficie d’un oran peut aller de quelques hectares à plusieurs centaines d’hectares. Par exemple, dans le district de Jaisalmer, le Bhadariya Mata Oran s’étend sur 17 821 hectares.
À l’intérieur des orans, les points d’eau tels que les talab (étangs), les nadi (petits étangs), les puits à ciel ouvert et les ruisseaux sont des ressources en eau qui s’avèrent essentielles pour le bétail et la faune sauvage. Dans le désert du Thar, on retrouve d’anciens goverdhan/shilalekh (pétroglyphes) à proximité des points d’eau de certains orans.
Les orans sont aussi des centres d’activités sociales et religieuses pour les communautés locales. Chaque oran est généralement dédié à un temple ou à un sanctuaire consacré aux divinités ou aux saints locaux. Des festivals et des foires sont organisés chaque année, souvent à des dates précises, pour honorer ces lieux sacrés. Dans certains orans, les membres de la communauté observent la tradition du parikrama (circumambulation) autour du bosquet. Ces événements rituels constituent des pratiques religieuses, mais aussi des occasions d’enseigner aux jeunes générations les traditions et pratiques culturelles liées aux orans. Les communautés suivent des normes établies de longue date par les anciennes et les anciens, comme l’interdiction de couper les arbres vivants dans les orans. Il est communément admis que la divinité associée à l’oran inflige la paracha (punition) à celles et ceux qui enfreignent ces règles sacrées.
Les orans constituent un système vital de soutien à la vie des communautés locales, qui les entretiennent depuis des siècles. Ces sites sacrés fournissent des pâturages essentiels pour le bétail, jouant un rôle central dans la subsistance, les modes de vie et l’économie des populations locales. Les communautés dépendent également des orans pour divers produits forestiers non ligneux tels que la nourriture, le fourrage, les fibres, les plantes médicinales, les gommes et résines, le miel, le combustible et les matériaux de construction.
Les ressources végétales des écosystèmes des orans sont vitales pour la faune et le bétail. Les arbustes et les arbres des orans fournissent un abri essentiel, offrant refuge et protection à diverses espèces. De nombreux arbres, arbustes et herbes servent de sites de nidification pour la faune, confirmant le rôle de ces écosystèmes dans la création de lieux de reproduction sûrs. En outre, certains arbustes et arbres abritent des ruches, ce qui renforce encore la biodiversité de l’écosystème et favorise la pollinisation des champs agricoles voisins.
Les orans, et en particulier le désert du Thar, sont riches d’une grande diversité de flore et de faune. Ils constituent un habitat essentiel pour plusieurs espèces sauvages, notamment pour l’outarde à tête noire (Ardeotis nigriceps), une espèce gravement menacée, et pour des espèces végétales menacées telles que le guggul (Commiphora wightii). Certains orans abritent également des populations essentielles de certaines espèces d’arbres et d’arbustes, ce qui en fait des sites idéaux pour la conservation in situ des ressources génétiques.
Il est essentiel de documenter les connaissances traditionnelles autochtones des éleveurs et éleveuses qui gèrent les pâturages d’animaux dans les orans car ces personnes possèdent une expérience considérable et une connaissance approfondie de la biodiversité historique et actuelle des orans, ainsi que des ressources disponibles pour le pâturage.
La conservation des orans permet de mieux gérer les écosystèmes, de développer le potentiel touristique et de créer des emplois, ce qui contribue aux moyens de subsistance des communautés locales.
Les orans font face à plusieurs menaces, parmi lesquelles l’affaiblissement des normes socioculturelles, l’occupation des terres à des fins de peuplement, d’agriculture et d’autres usages, et plusieurs orans ne sont pas répertoriés dans les registres fonciers. En outre, le pâturage excessif, la pression due au broutage et la propagation d’espèces envahissantes telles que le Prosopis juliflora dégradent davantage ces terres sacrées. Le couvert végétal pérenne des sous-bois a été considérablement dégradé en raison de la pression intense exercée par le pâturage.
L’organisation Krishi Avam Paristhitiki Vikas Sansthan (KRAPAVIS), basée à Alwar, au Rajasthan, se consacre à l’observation, à l’étude et à la restauration des orans dans les régions des Aravalli et du désert du Thar. En 2021, KRAPAVIS a publié l’Atlas des orans des Aravallis du Rajasthan. Dans le prolongement de ce travail, sa publication de 2024, « Les orans du Thar – Un passage vers Jaisalmer », marque l’aboutissement de près de deux ans de recherches intensives sur le terrain et de cartographie de centaines d’orans dans le district de Jaisalmer, situé au cœur du désert du Thar. Cette étude approfondie explore les caractéristiques physiques, la biodiversité, les menaces, la propriété, la gouvernance, les services écosystémiques et l’importance culturelle de ces sites sacrés.
KRAPAVIS est engagé dans plusieurs efforts de conservation pour protéger et revitaliser les orans : (i) la revitalisation des systèmes traditionnels de stockage d’eau dans les orans pour fournir de l’eau au bétail et à la faune du village ; (ii) l’amélioration du couvert végétal grâce à l’élimination des espèces envahissantes telles que le Prosopis juliflora, la plantation d’espèces autochtones adaptées à l’habitat et le réensemencement avec des graminées vivaces ; (iii) la sensibilisation de la communauté, en particulier des jeunes générations, afin de les encourager à participer aux activités des orans ; et (iv) la promotion d’une meilleure gestion et protection des orans. Par ces initiatives, KRAPAVIS cherche à assurer la pérennité des orans en tant qu’éléments écologiques et culturels essentiels pour les générations futures.
Edited by Mohammad Arju and Chris Jarrett